mercredi, avril 19, 2006

Nasranej!


Aujourd'hui, je hais les gens. ça m'arrive fréquemment, environ une fois par mois. Ce sont mes règles à moi, en gros. Ce genre de jours, l'expression tchèque Byt Nasrany (nasranej avec l'accent pragois) me définit particulièrement bien, et l'expression américaine kicking asses définit tout aussi bien les envies qui me prennent lorsque, dans le métro, ou le tramway, par exemple, un jeune chou-fleur boutonneux me bouscule pour placer ses baskets dégueux à côté des miennes et accrocher sa main glauque et moite à la même barre que moi. Envahir et occuper mon espace vital, ma bulle, mon cocon, en somme. Ce sentiment est le même, voire pire, lorsqu'une vieille chose sûre de son bon droit, habitée par le sentiment que sa vie est un combat de médiocrités égoïstes me jette un oeil noir, ou se précipite comme la misère sur le pauvre monde pour placer deux fesses molles et moites sur un siège de tramway, de peur qu'une autre vieille, forcément moins nécessiteuse qu'elle, ne prenne la place.

Pourtant tout avait bien commencé. En ce week-end de Pâques -paix et amour- je m'étais mis vendredi à lire L'Evangile selon Pilate, d'Eric-Emmanuel Schmitt, et je l'ai fini lundi. Trois jours pour lire un livre sur la résurrection de Yéchoua, c'est pas un signe?
Ce bouquin, par ailleurs plutôt sympa, pointait tout un tas de trucs plutôt drôles et iconoclastes, que Dominik n'aurait pas aimé, mais qui arrive dans le même temps à mieux faire comprendre ce qu'est être chrétien et ce qu'est la morale chrétienne etc. D'ailleurs, après avoir lu ce livre, j'ai trouvé la "Passion de Christ" de Mel Gibson moins révoltant. J'ai aussi beaucoup plus admiré Antos, le mosellan des Vosges qui fait peur aux petites filles, parce que à mon sens il a parfaitement pigé de quoi ça retournait, la chrétienté. J'ai eu l'impression que Jésus au départ, ne faisait que précher ce que Luther fit plus tard: vivre la foi et l'honnêteté, l'amour, dans son coeur, et pas dans les rites.

Bref, je l'ai fini lundi, au moment normalement où Jésus décide qu'il a plus rien à faire sur terre et qu'il revient à côté de Papa, à droite.

Et ce matin, je me suis levé nasrany. Nasrany est un mot qui n'a pas vraiment d'équivalent en Français. c'est un adjectif dérivé du verbe "srat", qui veut dire chier. En gros, je l'interprète comme voulant dire "tout fait chier". Jsem nasrany: tout me fait chier.

En prendre le métro pour revenir de la fac, à 9h30, c'est vraiment motif à faire chier. Tout le bétail qui va travailler dans Prague est là, entassé dans la même rame. Ils regardent tous ce que tu lis (Fred Vargas), ils te poussent quand ils veulent descendre, te tirent quand ils veulent monter. Certains puent déjà la slivovice ou autre alcool nauséabond, d'autres simplement la crasse. Généralement, à la 4eme station une impression d'étouffement te prend, tu sors du métro et là, évidemment, tu marches à deux à l'heure parce que 200 personnes sortent du métro en même temps pour accéder en même temps à l'escalator qui ammène l'air frais et non vicié comme dans le métro.
Evidemment, tu espères prendre un tramway. D'ailleurs tu le prends. Au fil des stations, il se remplit, et devient plein à craquer, pour finir par se vider à une station bien définie, comme un ogre se viderait les entrailles après un énorme repas. Là, tu descends pour permettre aux voyageurs de faire de même. Tout le tramway te marche dessus, te bouscule, le regard vide ou dans le lointain, les mémères marchent et descendent lentement, et quand tu penses que c'est fini, y en a encore. Et à chaque fois qu'un voyageur pose sa chaussure sale sur le marchepied, tu le maudis d'être encore là. Et quand tu remontes, tu n'oses rien toucher, de peur de partager, ne serait-ce qu'un court instant, un espace souillé par des restes palpitant de médiocrité laissés par un précédent occupant.
En plus, j'ai perdu mon billet de train pour aller à Wroclaw jeudi.

Alors, pour me calmer, je viens déverser ma bile ici.

Puis je décide de me calmer, et de devenir christique.



Pardonne-leur, Petre, ils ne savent pas ce qu'ils font.

9 commentaires:

Anonyme a dit…

j'espère que tu n'es pas fier de toi, raconte-moi combien de lecteurs tu auras perdus après ça!
je m'étonne néanmoins, je croyais les tchèques d'une exquise civilité (cf un des tes très anciens paragraphes sur le sujet), un peu comme les porteños quoi.

Admin a dit…

Outre que l'exquise civilité des tchèques n'est point une légende, mais en effet observable, et que ma réaction d'aujourd'hui est celle de la colère aveugle -je me repends- je voudrais exprimer tout de même une réflexion.

Yéchoua aussi a suscité le dédain avant d'être compris. Si aujourd'hui je perds des lecteurs, ce n'est que pour guider plus de brebis.

Anonyme a dit…

et découvrir yéchoua 2000 ans après tout le monde, ça te fait quoi, espèce de malade?

Admin a dit…

Toi, t'as pas compris la blague :)

Va faire un tour du côté du blog de Dominik, dimanche 16 Avril...

Anonyme a dit…

t'as qq chose contre les retables petre?

Chachou a dit…

Ta mansuétude te perdras, Petr...

Admin a dit…

Au contraire, ma mansuétude rachètera mon âme.


Hum...

Anonyme a dit…

et bien Pierre, je ne comprends pas... encore une fois quelques unes de tes remarques a mon egard.

tu es si certain que je n'aurais pas aime le livre? Que je n'aurais pas apprécié des trouvailles iconoclastes? Et bien, il me semble que tu me connais mal. Je pense que je saurais etre decrit comme iconoclaste. C'est ce qu'a d'ailleurs dit Gacon une fois :)

Enfin, ce que tu écris, c'est comme si tu disais (la comparaison n'étant pas parfaite), que j'aurais pas aimé The Life of Bryan. Et bien, je n'ai pas aimé car j'ai pas trouvé aussi super que les autres le décrivent, mais il n'y avait rien de choquant dans tout cela. Bref, peu importe.

Quoi qu'il en soit, tu m'as donné bien envie de lire ce livre.

Bonne nuit.

Anonyme a dit…

Petre, moi je t'encourage (et moi même par la même occasion) à (re) lire un évangile. En fait, Jésus lui-même était iconoclaste, puisque par exemple il n'a pas critiqué ses disciples lorsque ceux-ci arrachaient du blé un jour de Sabbat. Donc si il y a une chose dont je suis sur depuis le début, c'est que Dieu, par l'intermédiaire de Jésus, s'en tape du rite. Et regarde autre chose.

Amitiés et kocoviny

Klem