Quelques constatations sur la Belgique d'Europe Centrale, telle qu'on l'appelle avec tant de gentillesse.
C'était pourtant clair, en arrivant par bus en passant par les feaubourgs, puis le centre-ville, qu'on ne peut pas appeler la Slovaquie la Suisse d'Europe Centrale...
1) Tandis que les garçons tchèques ont tous plus ou moins les cheveux longs et des chaussettes dans leurs sandales, les garçons slovaques sont tous plus ou moins rasés de la tête avec un regard pleu azur et des grosses bottes en cuir.2) Alors que les billets de banque tchèques, ainsi que les pièces de monnaie (sauf celle de 10 couronnes qui est toute pourrie), sont plutôt beaux et agréables au toucher, les billets slovaques sont aussi attirants qu'une serpillère plastifiée.3) Alors qu'on croit que la gare de bus et loin du centre, au vu des bâtiments autour, on se trompe, on EST au centre.4) Y a t-il une blanlieue de Bratislava?5) Le Château de Bratislava est rigolo, il a quatre faces différentes les unes des autres qui font penser qu'il a été construit en torchis avec les restes de Trabant pour faire croire à un château du Moyen-Age.6) Le Palais présidentiel est joli. Il y a une grande façade blanche, de grands volets, et des drapeaux slovaques partout. Et une belle grille.7) A Bratislava les rues sont froides. C'est parce qu'il n'y a personne pour les chauffer. Même pas un chat.8) Quand on croise un Bratislavien, il parle le tchèque sympa, celui qu'on comprend, qui s'emmerde pas à foutre "sti" à la fin de 200, mais bien "sto", comme tout le monde devrait le faire.9) Le Bratislavien moyen est plutôt cool. Sauf quand il est rasé avec un manteau et des grosses bottes en cuir, parce que là on lui parle pas.10) La Bratislavienne moyenne est pas tellement plus jolie que la Pragoise moyenne. La seule différence c'est qu'on est sûre qu'elle est Bratislavienne, et pas touriste.J'arrive donc à 12h40 dans la gare de bus de Bratislava. Je m'étais levé à 6h50, sans réveil, ce dernier m'ayant fait la blague de "ce matin je te réveille pas". Franchement j'étais impressionné de me réveiller aussi vite.
Je sors du bus, contemplé par une assemblée de Roms qui ont l'air plus ou moins de se demander ce que je cache dans ma sacoche. Un téléphone portable, pour envoyer un texto à Laura, la demoiselle qui accompagne Arthur à Bratislava, un appareil photo numérique, que j'ai oublié de recharger et qui arrête pas de me dire qu'il a plus de pile, et un portefeuille avec quelques cartes, notamment celle qui décline mon identité.
La Gare est froide. Le samedi, toutes les gares sont froides, mais celle de Bratislava est à peine réchauffée par le sourire de la dame qui change mon beau billet de 500 couronnes tchèques en argent slovaques d'une couleur qui oscille entre le vert crapaud, le bleu délavé, le rouge passé, et l'orange pourri.
Les rues sont froides. Il y a du vent. Je n'ai pas de gant. Les femmes qui attendent le tramways sont pas mal. J'attends avec elles, avant de me rendre compte que je dois prendre mon tramway complètement ailleurs, pour aller au Palais Présidentiel.
D'ailleurs, c'est pas des tramways, mais des trolleybus.
Je monte dans le 208, qui me mène généreusement au Palais, où il me crache, non sans avoir à l'arrêt d'avant craché les deux clodos qui m'ont donné ma première sensation olfactive d'envergure de la ville.
Là, il est 13h30. Arthur et sa demoiselle sont arrivés il y a une demie heure à l'aéroport. Le temps qu'ils mettent leurs bagages à la consigne, j'en ai pour 1 heure à attendre, et je vais donc me poser dans un café complètement chic, où je décide de me réveiller avec deux cafés, servis par un serveur complètement sympa. En gros, les gens sont sympas.
Puis au troisième café je sors de l'établissement, histoire de me refroidir les roustons sur la place du palais, là où il y a le palais présidentiel. C'est un point de rendez-vous connu: s'y retrouvent les groupes de filles, les crânes rasés à bottes en cuir, les jeunes intrépides à vélo, et les touristes, mais ça j'en ai pas vu.
Arthur et Laura arrivent. Laura est le genre intellectuelle du New Jersey, et elle n'a pas di "sooooo cute" de toute la journée, ce que j'ai pris pour une marque d'intelligence.
Arthur est tout sourire, et moi aussi. Rendez-vous compte, comme la vie est drôle: ça faisait 6 mois jour pour jour que l'on ne s'était vus.
Déjeuner dans un restaurant de spécialités hongroises, où je fais essayer la slivovice à Arthur et Laura (qui voulais un whisky, beurk!), puis balade, courte, dans la ville, jusqu'à 17h où nous rejoignons le café du début de l'histoire, pour finir de nous voir.
En effet, à 19h ils doivent récupérer leurs bagages, pour courir à l'aéroport prendre un bus de la compagnie pour aller à Vienne.
Oui, parce que Bratislava c'est pas très joli, mais c'est près de Prague, Budapest, Vienne, et tout ça.
Je me retrouve seul avec 5 heures à tuer avant mon car, ce qui est pas sympa.
Je vais donc refaire le tour de pâté de maison du centre historique, puis me pose dans un café-chocolaterie, où je rebois du café, puis un autre, puis un autre, puis je décide, un peu avant 22 heures, de rejoindre la gare de bus à pied, puisque mon car part à 23h40.
Je me perds.
Mais la ville est toute petite, et il y a plein de panneaux partout.
Je me retrouve. Me prends par la main, et m'accompagne jusqu'à la gare de bus, où 3 pelés et un tondu (mais sans bottes en cuir) attendent.
Plus quelques clodos.
J'ai un peu moins de deux heures à attendre avec eux. Et le Courrier International, que j'ai acheté en chemin, histoire de pas avoir l'air trop seul.
Il fait froid. Il fait sombre. Le coeur du héros se serre en dévoilant ses faiblesses: ses orteils commencent à lui faire mal.
Il a froid.
Il lit avec une main qui tient le journal, l'autre dans son manteau, pour la conserver en bon état. Parfois, même, il change de main.
Heureusement, Olga, qui l'aime, Emma, qui est charitable, et Rapahella, qui veut déplacer son cours du dimanche, lui envoient des textos. Enfin, surtout Olga.
A 23h, le héros est viré de la gare, qui ferme. Encore 40 minutes à attendre, dehors. Il ne fait plus 4°C, mais bien -6°C.
Le héros pense à arracher des pages du Courrier International, et les mettres dans ses chaussures autour de ses pieds, ainsi que sous son pull, pour se protéger du froid.
Le héros a lu Primo Lévi.
Puis, avec 8 minutes de retard, pas plus, le car pour Prague vient le sauver. Il a sommeil.
Mais il a bu trop de cafés, et il ne peut pas dormir. Pire, les effets du café commencent à poindre.
Il a mal au ventre.
Il arrive à 5h à Florence. Prend le métro. S'échoue dans un Mc Do où il mange, ne l'ayant pas fait depuis 15h de l'après-midi.
Il arrive chez lui à 6h, a encore la force d'allumer son ordinateur, de regarder ses mails. Il voit que la campagne pour les élections syndicales continue d'enflamer le forum de Sciences Po Dijon, mais ça commence à le gonfler.
Il va s'abstenir de voter. Z'avaient qu'à penser à un vote par internet ces cons.
Puis Pierre se fout à poil, ce qui provoque l'émoi d'une mémère à chien qui promène sa merde à poils dans le parc, en face (qui est en hauteur, donc pile au niveau de la fenêtre du 4eme étage du héros). Pierre n'en a cure. Il éteint la lumière.
Et s'endort, du sommeil du juste, pour une nuit sans rêve qui commence alors que le soleil point à travers les nuages pastélisés qui décorent un Ciel bleu discret.
Le Héros ne se réveillera que 8 heures après.
Quelqu'un avait du droguer son café.
Cadeau bonus